La location saisonnière connaît un essor considérable en France, portée par l'attractivité touristique du pays et l'évolution des modes de voyage qui privilégient des séjours plus authentiques. Cependant, ce secteur fait l'objet d'une réglementation de plus en plus stricte visant à encadrer cette activité et à limiter ses impacts sur le marché locatif traditionnel. Dans cet article, nous explorons les aspects juridiques et les potentiels économiques de la location saisonnière en France.
1. Définition et cadre juridique de la location saisonnière
Qu'est-ce qu'une location saisonnière ?
La location saisonnière est définie par le Code du tourisme (article L. 324-1-1) comme "la location d'un meublé de tourisme conclue pour une durée maximale et non renouvelable de 90 jours consécutifs." Il s'agit donc d'une location temporaire, généralement destinée à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.
Les différents types de biens concernés
Plusieurs catégories de logements peuvent être proposées en location saisonnière :
- Meublés de tourisme : logements meublés classés ou non, proposés à la location à une clientèle de passage
- Chambres d'hôtes : chambres meublées situées dans la résidence principale du loueur, incluant des prestations
- Résidence principale : logement occupé par le propriétaire au moins 8 mois par an
- Résidence secondaire : logement utilisé pour les week-ends, loisirs ou vacances
Évolution de la réglementation
Le cadre juridique s'est considérablement renforcé ces dernières années, avec notamment :
- La loi ALUR (2014) qui a introduit l'obligation d'autorisation de changement d'usage pour les résidences secondaires dans certaines zones
- La loi pour une République numérique (2016) qui a imposé l'enregistrement des locations saisonnières dans de nombreuses communes
- La loi ELAN (2018) qui a renforcé les sanctions et introduit des amendes pour les plateformes ne respectant pas la réglementation
2. Les obligations légales des propriétaires
Démarches administratives
Avant de se lancer dans la location saisonnière, plusieurs démarches sont nécessaires :
Pour la résidence principale
- Déclaration simple en mairie (formulaire Cerfa n°14004*04) dans les communes qui n'ont pas mis en place la procédure de numéro d'enregistrement
- Obtention d'un numéro d'enregistrement dans les communes concernées
- Respect de la limite de 120 jours de location par an
Pour la résidence secondaire
- Déclaration en mairie obligatoire
- Autorisation de changement d'usage dans les villes de plus de 200 000 habitants et dans certaines zones tendues
- Compensation potentiellement nécessaire (achat de mètres carrés commerciaux pour compenser la perte de surface d'habitation)
- Obtention d'un numéro d'enregistrement dans les communes concernées
Obligations fiscales
Les revenus issus de la location saisonnière sont soumis à l'imposition selon deux régimes possibles :
Régime micro-BIC (Bénéfices Industriels et Commerciaux)
- Pour les revenus annuels inférieurs à 72 600 € (à partir de 2023)
- Abattement forfaitaire pour frais de 50% (71% pour les meublés classés)
- Déclaration simplifiée sur le formulaire 2042 C PRO
Régime réel
- Obligatoire au-delà de 72 600 € de revenus annuels, optionnel en dessous
- Déduction des charges réelles (intérêts d'emprunt, charges de copropriété, assurance, etc.)
- Possibilité d'amortir le bien et le mobilier
- Déclarations fiscales plus complexes (formulaires 2031 et 2033)
En outre, les loueurs doivent s'acquitter de :
- La TVA (20%) si d'autres services sont fournis (petit-déjeuner, nettoyage régulier, etc.), au-delà de 85 800 € de chiffre d'affaires
- Les cotisations sociales au-delà de 23 000 € de revenus annuels (ou si les revenus locatifs dépassent les revenus d'activité professionnelle)
- La taxe de séjour à collecter auprès des locataires et à reverser à la commune
- La CFE (Cotisation Foncière des Entreprises), sauf pour la location occasionnelle de la résidence principale
Statut juridique : LMNP ou LMP
Deux statuts principaux existent pour les loueurs en meublé :
Loueur en Meublé Non Professionnel (LMNP)
- Revenus locatifs inférieurs à 23 000 € par an
- Ou revenus locatifs inférieurs aux autres revenus du foyer fiscal
- Permet de bénéficier de l'amortissement comptable dans le cadre du régime réel
Loueur en Meublé Professionnel (LMP)
- Revenus locatifs supérieurs à 23 000 € par an
- Et revenus locatifs supérieurs aux autres revenus du foyer fiscal
- Inscription au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS)
- Avantages fiscaux supplémentaires, notamment sur la plus-value lors de la revente
3. Les spécificités régionales et locales
La réglementation de la location saisonnière varie considérablement selon les territoires, avec des règles particulièrement strictes dans les zones touristiques et les grandes villes où la pression sur le logement est forte.
Paris
- Enregistrement obligatoire auprès de la mairie
- Autorisation de changement d'usage pour les résidences secondaires
- Compensation exigeante (achat de surface commerciale dans le même arrondissement)
- Contrôles fréquents et amendes dissuasives (jusqu'à 50 000 € par logement)
Côte d'Azur
- Enregistrement obligatoire dans de nombreuses communes (Nice, Cannes, Antibes)
- Restrictions du nombre de jours de location variables selon les communes
- Régulation moins stricte que Paris mais en évolution constante
Stations balnéaires et de montagne
- Réglementation généralement plus souple
- Forte saisonnalité qui influence les contrôles
- Importance du classement "meublé de tourisme" pour valoriser son bien
Il est essentiel de se renseigner auprès de la mairie de la commune où se situe le bien pour connaître les règles spécifiques locales.
4. Le potentiel économique de la location saisonnière
Rentabilité et rendements
La location saisonnière peut offrir une rentabilité supérieure à la location traditionnelle, mais celle-ci varie considérablement selon :
- La localisation : les zones touristiques à forte demande permettent des tarifs plus élevés
- La saisonnalité : certaines destinations connaissent des périodes de forte demande limitées dans l'année
- Le standing du bien : les logements haut de gamme ou atypiques attirent une clientèle prête à payer davantage
- Les services proposés : piscine, jardin, vue mer, etc., constituent des arguments de valorisation
À titre indicatif, voici quelques données de rentabilité moyenne brute (avant charges, impôts et amortissement) :
- Paris centre : 6-8% (mais investissement initial élevé et réglementation contraignante)
- Stations balnéaires méditerranéennes : 7-10% (forte saisonnalité)
- Stations de ski : 6-9% (très forte saisonnalité)
- Villes moyennes touristiques : 8-12% (meilleur compromis rendement/contraintes)
Charges et coûts à considérer
Pour évaluer correctement la rentabilité, il faut intégrer l'ensemble des charges :
- Frais de mise en service : ameublement, équipements, décoration (10 000 à 30 000 € selon la superficie et le standing)
- Charges récurrentes : copropriété, taxes foncières, assurance, abonnements (eau, électricité, internet)
- Coûts opérationnels : ménage entre deux locations, linge, consommables, maintenance
- Commissions des plateformes : généralement entre 3% et 15% du prix de location
- Gestion : temps personnel ou coût d'une conciergerie (15-30% des revenus)
- Frais de mise aux normes : sécurité, accessibilité, diagnostic énergétique
- Vacance locative : périodes sans location, particulièrement hors saison
Stratégies de maximisation des revenus
Plusieurs approches permettent d'optimiser la rentabilité :
- Tarification dynamique : ajuster les prix selon la saison, les événements locaux et le taux d'occupation
- Multi-plateforme : présence sur plusieurs sites de réservation pour élargir la visibilité
- Séjours moyens : cibler la clientèle d'affaires ou les séjours de moyenne durée (1-2 semaines) pour réduire les rotations
- Services additionnels : proposer des prestations supplémentaires facturables (transferts, visites guidées, chef à domicile)
- Classement officiel : obtenir un classement en étoiles pour rassurer les clients et bénéficier d'un abattement fiscal de 71%
- Rénovation qualitative : investir dans des équipements durables et un aménagement fonctionnel qui justifient un tarif premium
5. Perspectives et évolutions du secteur
Tendances du marché post-pandémie
La crise sanitaire a profondément modifié les comportements touristiques et le marché de la location saisonnière :
- Essor du tourisme domestique avec une redécouverte des destinations françaises
- Allongement des séjours favorisé par le développement du télétravail
- Recherche d'isolement et d'espace valorisant les logements individuels avec extérieur
- Exigence accrue en matière d'hygiène et de propreté
- Attrait pour les destinations rurales et les villes moyennes au détriment des grandes métropoles
Évolutions réglementaires prévisibles
La réglementation devrait continuer à se durcir dans les années à venir :
- Extension du numéro d'enregistrement à davantage de communes
- Renforcement des contrôles grâce à la collaboration entre administrations et plateformes
- Limitation du nombre de nuitées potentiellement abaissée dans certaines villes
- Durcissement des conditions de compensation pour les résidences secondaires
- Taxation spécifique pour financer le logement social dans les zones tendues
Conseils pour investir durablement
Face à ces évolutions, voici quelques recommandations pour un investissement pérenne :
- Privilégier les destinations où la réglementation est stable ou les villes moyennes moins contraintes
- Analyser la saisonnalité et le taux d'occupation moyen dans la zone ciblée
- Prévoir un plan B en location longue durée si la réglementation devient trop restrictive
- Opter pour des biens polyvalents qui peuvent s'adapter à différents types de location
- Se tenir informé des évolutions législatives en adhérant à des associations de propriétaires
- Envisager des structures juridiques adaptées (SCI, SARL) selon l'ampleur du projet
Conclusion
La location saisonnière représente une opportunité d'investissement intéressante en France, notamment dans les zones touristiques à forte demande. Cependant, la complexification du cadre réglementaire impose une vigilance accrue et une professionnalisation des pratiques.
Pour réussir dans ce secteur, il est essentiel de bien se renseigner sur les spécificités locales, d'anticiper les évolutions réglementaires et de proposer une offre de qualité qui répond aux attentes des voyageurs contemporains. Un accompagnement par des professionnels de l'immobilier et de la fiscalité peut s'avérer précieux pour optimiser votre investissement.
Chez Rintodicro, nous proposons un service de conseil personnalisé pour les investisseurs intéressés par la location saisonnière, couvrant aussi bien les aspects juridiques que les stratégies de valorisation et de commercialisation des biens. N'hésitez pas à nous contacter pour évaluer le potentiel de votre projet immobilier.